Veille de l’European Accessibility Act : les sites web européens en retard en matière d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap
Les entreprises belges risquent dorénavant une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros
Une semaine avant la date d’échéance fixée par l’European Accessibility Act (AEA), les sites web européens sont encore trop peu accessibles aux personnes en situation de handicap. Sur les 266 000 pages d’accueil testées dans 18 pays européens, 93 % (92,97 %) d’entre elles présentaient clairement des problèmes d’accessibilité, soit une très légère amélioration (-0,84 %) par rapport à l’année dernière. C’est ce qu’il ressort de la deuxième édition du « Digital Trust Index », une étude réalisée, chaque année, à grande échelle par la société de conseil numérique Craftzing. L’European Accessibility Act qui entrera en vigueur le 28 juin 2025 fixe les exigences en matière d’accessibilité numérique aux produits et services essentiels. Les entreprises belges de plus de 10 collaborateurs et dont le chiffre d’affaires dépasse les deux millions d’euros risquent désormais des amendes pouvant aller jusqu’à 150 000 euros par infraction.
« Les services numériques sont le pivot de notre société, de nos achats aux services bancaires en passant par nos communications et nos formations. Les sites web péchant par leur manque d’accessibilité excluent dès lors un Européen sur quatre. Les personnes atteintes d’un handicap visuel, comme les malvoyants, ont du mal à lire les textes. Les daltoniens ont du mal à interpréter correctement les graphiques ou les icônes, par exemple. Les personnes qui ont des difficultés à utiliser leurs mains ne parviennent pas à naviguer facilement sur un site web et celles souffrant d’un handicap cognitif ne comprennent pas les structures complexes. D’où l’importance pour les entreprises et les gouvernements de comprendre que la société numérique doit fonctionner pour tout le monde. » - Roeland Tegenbos, CEO de Craftzing
Scores belges : dans la moyenne européenne avec une légère amélioration
Tous les pays testés, y compris la Belgique, obtiennent de piètres résultats. Comme l’année dernière, la Belgique se classe dans la moyenne du classement européen. Sur les 7 612 sites web belges scannés, 92,49 % sont concernés par un problème d’accessibilité. C’est un tout petit mieux que la moyenne européenne. Le point positif, c’est l’amélioration par rapport à 2024 : à deux pays près, la Belgique affiche la meilleure progression de tous les pays testés, avec une diminution de 1,75 % du pourcentage de sites web testés affichant des problèmes. La Belgique grimpe ainsi de deux places dans le classement, passant de la septième à la cinquième place. Elle dépasse de justesse les Pays-Bas, les pays scandinaves — la Norvège, la Finlande et la Suède — étant les meilleurs élèves d’Europe.
Le secteur public, le secteur le plus performant
Cette année, l’étude comporte une analyse par secteur économique. De manière générale, il y a peu de variation d’un secteur à l’autre, sauf pour le secteur public. Celui-ci affiche de bien meilleurs scores dans pratiquement tous les pays, avec 10 % de mieux que la moyenne.
En Belgique, le secteur public obtient le meilleur score, avec « seulement » 79,51 % de sites web présentant des problèmes d’accessibilité, soit 13 % de mieux que la moyenne nationale. Chez nos voisins du nord, le secteur public fait encore mieux : « seuls » 63,8 % des sites web néerlandais du secteur public ne satisfont pas aux critères actuels d’accessibilité.
Le secteur du détail affiche toujours les plus faibles scores dans toute l’Europe. En Belgique, les trois secteurs les moins performants sont les secteurs de la mobilité & la logistique, du commerce du détail et de la technologie.
« Les écarts sectoriels sont frappants et montrent qu’une réglementation claire et précise, comme dans le secteur public, fait la différence. Je suis curieux de savoir comment les entreprises vont réagir. L’accessibilité n’est plus un luxe : un site web dont l’accessibilité n’est pas optimale entraine une perte de clients, de chiffre d’affaires et de réputation. En intégrant l’inclusion dès le début de la réflexion, les entreprises montrent qu’elles endossent leur responsabilité sociale, elles s’ouvrent à un marché plus large et nouent des relations de confiance durable. » – Femke De Roo, Inclusion Lead chez Craftzing
Nombre croissant de chatbots IA, hélas loin de répondre aux critères
Parallèlement au test automatique, une analyse a également été effectuée sur les chatbots des 15 sites web belges les plus prisés. En dépit de leur popularité croissante et leur forme apparemment simple, la plupart des chatbots intégrant l’IA ne sont pas accessibles aux personnes souffrant de déficience visuelle ou d’un handicap moteur. Seuls deux d’entre eux satisfont aux quatre critères utilisés (utilisation du clavier, lecteur d’écran, zoom et contraste des couleurs). La plupart des problèmes ont été rencontrés lors du recours à un lecteur d’écran (douze chatbots) et à la navigation au clavier (six chatbots).
Les problèmes d’accessibilité les plus fréquents
Les problèmes les plus fréquemment constatés constituent aussi d’importants obstacles pour de nombreux utilisateurs : faible contraste des couleurs, séparation difficile des liens, absence de descriptions textuelles des images (alt-texte), absence ou imperfection des textes descriptifs des liens et des boutons et configurations linguistiques incorrectes. Bien que ces problèmes constituent d’importants obstacles, il est relativement simple d’y remédier pour autant que l’on dispose de l’expertise adéquate. Soulignons que ces obstacles sont les mêmes que ceux énumérés l’année dernière.
Il est temps de passer à l’action
Les résultats du Digital Trust Index 2025 mettent en évidence le fait que l’Europe, y compris la Belgique, a encore du pain sur la planche pour rendre les services numériques accessibles à tous. À l’approche de l’entrée en vigueur du European Accessibility Act, il est crucial que les entreprises prennent des mesures pour satisfaire aux exigences et éviter d’éventuelles amendes.
« Les entreprises B2C belges sont loin d’être prêtes à se conformer à l’European Accessibility Act qui entre en vigueur la semaine prochaine. Les amendes prévues dans le secteur de l’e-commerce et les services bancaires peuvent aller jusqu’à 150 000 euros par infraction. C’est loin d’être négligeable. Pour les autres secteurs, les montants des sanctions ne sont pas encore clairement définis. Chez Craftzing, nous plaidons en faveur d’un suivi strict. Vu que dans notre pays, la responsabilité incombe à différents gouvernements et organes administratifs, il ne faudrait pas que cette fragmentation de la responsabilité soit un frein au respect de la directive. C’est pourquoi nous espérons que nos représentants politiques, et notamment notre ministre fédéral pour l’Égalité des chances, donneront un signal clair. C’est la condition sine qua non pour contraindre les entreprises à poser les bons choix pour créer une société numérique à laquelle tout le monde participe. » – Roeland Tegenbos, CEO de Craftzing
L’accessibilité n’est pas une fin en soi ; c’est un composant essentiel de toute plateforme numérique, dès le début de sa conception. L’adoption du European Accessibility Act (EAA) permet non seulement d’améliorer l’expérience des utilisateurs et d’atteindre un public plus large, y compris les 100 millions d’Européens qui souffrent d’un handicap, mais il permet aussi de renforcer la confiance numérique de manière générale.
Pour consulter les résultats de l’étude, rendez-vous sur www.digitaltrustindex.eu
À propos du Digital Trust Index
Le Digital Trust Index est une étude réalisée chaque année par la société de conseil numérique Craftzing qui vise à mesurer la fiabilité des plateformes numériques. Pour l’édition de 2025, la société Craftzing a recouru à des tests automatisés qu’elle a appliqués à un échantillon représentatif de 266 000 noms de domaines européens dans la liste Tranco des meilleurs sites web. À l’aide de différents outils de test, Craftzing a conçu une application lui permettant de tester 266 000 pages d’accueil de sites web européens conformément aux directives relatives à l’accessibilité des contenus web (WCAG) version 2.1, niveau A et AA.
Finalement, ce sont 18 pays européens qui ont été inclus dans l’enquête. Craftzing n’a pas repris les pays qui comptaient moins de 4000 sites web à analyser dans leur échantillon. Il y aurait effectivement eu un trop grand écart par rapport aux autres pays européens, ce qui aurait compliqué la comparaison. C’est pour cette raison que tous les pays européens n’ont pas été inclus dans l’échantillon. En Belgique, 7 612 sites web ont été analysés de cette manière.

Stéphanie Schaubroeck
Roeland Tegenbos
Anna Lauwaerts