L'interdiction totale de la publicité pour les jeux de hasard ne permet pas de lutter contre la dépendance, mais punit les médias, les clubs sportifs et les consommateurs belges.
16 février 2023
- Toute la publicité se déplace vers internet, tout le secteur se retrouve dans l'illégalité, la dépendance au jeu devient plus importante qu'avant.
- Les petits clubs de foot belges perdent des revenus cruciaux, au détriment de leur travail auprès des jeunes et de la compétition internationale.
- Tous les matchs sportifs importants, y compris la Ligue des champions, disparaissent derrière un mur payant.
Le 16 décembre 2022, un communiqué de presse du ministre Van Quickenborne a annoncé que le gouvernement avait finalisé un arrêté royal qui limiterait de manière drastique la publicité pour les jeux de hasard. Le communiqué de presse parle d'une interdiction totale - avec quelques exceptions - et cite certaines études censées justifiées cette interdiction.
Or, ce n'est pas ce que disent ces études. En règle générale, ces études montrent qu’une interdiction totale n'est pas la meilleure solution, car elle encouragerait l'utilisation de produits illégaux et non autorisés. (1)
C'est également l'avis de la Commission des jeux de hasard, le régulateur du secteur, dont la mission est de veiller à la protection des joueurs. La Commission des jeux de hasard a déclaré que la politique d'octroi de licences existante pour les fournisseurs légaux sert d'exemple à l'étranger, mais que le véritable problème réside dans le tsunami de prestataires illégaux qui ne respectent pas les règles censées freiner la dépendance au jeu. C'est à cette mafia du jeu qu'il faut s'attaquer, mais pas en refusant aux prestataires légaux toute possibilité de publicité.
La Commission des jeux de hasard a déjà indiqué en avril 2022 qu'elle était favorable à un renforcement des restrictions en matière de publicité mais que celles-ci, plutôt que de prendre la forme d’une l’interdiction totale de la publicité pour les jeux de hasard autorisés ; devrait viser principalement les groupes les plus vulnérables et tendre à limiter la quantité de publicité.
Elle a appelé le gouvernement à œuvrer à la mise en place d'un cadre réglementaire qui serait complété en concertation avec les différents acteurs afin de parvenir à une co-régulation à l'instar d’autres secteurs.
La Commission des jeux de hasard n'a pas été entendue. Tous les stakeholders concernés - allant des médias belges à l'un des partis gouvernementaux en passant par les fédérations sportives et les opérateurs légaux - ont également été exclus de toute consultation. Même pas après que la commission européenne s’est interrogée sérieusement sur les fondements d'une interdiction totale en Belgique et sur son efficacité dans la lutte contre la dépendance au jeu. Une interdiction de la publicité rend la politique de prévention et de sensibilisation à l'égard des groupes à risque impossible.
Ainsi, l’arrêté royal a vu le jour sans consultation. Il n'a même pas été inscrit à l'ordre du jour du Conseil des Ministres dans le but d'éviter une trop forte opposition. Il est révélateur que jusqu'à trois fois, et l’un des partis du gouvernement a indiqué qu'il n'y avait pas d'accord définitif sur l'interdiction totale.
L'impact est désastreux
L'impact sur les consommateurs belges est désastreux. L'interdiction de la publicité sur les médias traditionnels entraînera une surcharge de publicité en ligne, car celle-ci ne peut guère être freinée. Et c'est précisément en ligne que les consommateurs sont le plus souvent confrontés à une pléthore de prestataires illégaux. La Commission des jeux de hasard a détecté pas moins de (350) sites web illégaux en 2022. La dépendance aux jeux de hasard devient un problème social encore plus important, tout le secteur finit dans l'illégalité.
En outre, il est très probable que la longue liste de discriminations contenues dans l'arrêté royal sera attaquée juridiquement par toutes les parties concernées. L'AR ne survivra probablement même pas à la période électorale à venir.
En plus de cela, les clubs sportifs belges verront des revenus cruciaux disparaître au détriment de leur travail auprès des jeunes et de la compétition internationale.
Enfin, les médias belges verront également disparaître des revenus cruciaux, ce qui aura pour effet de mettre toutes les compétitions sportives pertinentes derrière le mur payant, et/ou qu’ils ne seront plus en mesure d'investir dans la couverture sportive.
La solution
Mettre fin à la publicité pour les jeux et mettre en place un cadre d'autorégulation strict pour le sponsoring en collaboration avec la commission des jeux de hasard
Les acteurs belges des médias ont élaboré un ensemble de mesures d'autorégulation en matière de publicité pour les opérateurs de jeux privés.
Voici la liste complète des mesures proposées par les médias belges dans le cadre d'une politique de canalisation ciblée :
- Une restriction du contenu publicitaire :
La publicité classique sera supprimée par analogie avec l'initiative du cabinet Van Quickenborne.
La publicité est donc limitée à toutes les formules de parrainage existantes et uniquement avec un logo et une baseline qui ne peuvent pas inciter directement au jeu.
Les consommateurs seront ainsi dirigés vers l'offre légale sans que la publicité n'alimente la dépendance. Nous proposons de développer un cadre d'autorégulation avec des règles substantielles et ce, sous les auspices de la commission des jeux de hasard en collaboration avec le Centre de communication qui gère également le JEP.
2. Une restriction sur le temps de diffusion et le volume de la publicité :
2.1. Pour les médias audiovisuels, dans la tranche horaire de 20h à 1h du matin : un maximum d'un message de parrainage de 5 secondes est prévu pour un fournisseur de jeux en ligne agréé par heure de diffusion.
2.2. en cas de retransmission en direct d'un match par un radiodiffuseur, dans l'heure précédant le début et dans l'heure suivant la fin du match retransmis en direct, un maximum de deux messages de parrainage de 5 secondes maximum par heure pour un fournisseur de jeux en ligne agréé.
2.3. les messages de parrainage ne peuvent pas être diffusés pendant les matchs sportifs en direct et ne peuvent pas cibler les mineurs d'âge.
3. Uniquement des messages de parrainage "à caractère intrusif limité" : durée maximale de 5 secondes pour les médias audiovisuels, formats plus petits pour les médias online et papier
La limitation de la publicité aux messages de parrainage d'une durée maximale de 5 secondes (dans les médias audiovisuels) signifie que le volume de la publicité est réduit de 90% et que de nombreuses possibilités de publicité sont exclues (par exemple, la publicité classique, placement de produits, téléachat, ...). Les messages de parrainage dans les journaux et magazines et les médias en ligne seront limités aux petits formats.
Dans les médias papier, le format maximal est de 1/2 de page. Pour l’online, les formats intrusifs sont exclus : homepage take-overs, les floor-ads et les overlayers.
4. La publicité personnalisée comme solution
La publicité personnalisée n'est autorisée que si les jeunes, les joueurs exclus ou les joueurs qui n'ont pas participé à des jeux pendant une longue période sont exclus. Les autorités compétentes peuvent désigner un tiers indépendant pour contrôler l'anonymat et mettre à jour en permanence la liste EPIS. L'expérience avec des tiers indépendants et la technologie avancée de la confrontation des données permettent de garantir au maximum la confidentialité des données. Il est ainsi possible d'exclure des groupes cibles à risque sans que les supports médiatiques en aient connaissance.
5. Campagnes de sensibilisation et messages d'avertissement.
Tout message de parrainage provenant d’un organisateur de jeux de hasard ou de paris. sous licence comprendra un message d'avertissement.
Le cadre de cette démarche sera élaboré en consultation avec la Commission des jeux de hasard et le Centre de la Communication.
En outre, les médias belges sont disposés à investir 20 % des revenus provenant des publicités autorisées pour les jeux de hasard en ligne sous licence en valeur média dans une campagne de sensibilisation aux dangers de l'excès de jeu.
Contrairement à une interdiction totale de la publicité pour les jeux de hasard, ces mesures peuvent très rapidement être introduites dans le cadre de l'autorégulation. Les médias belges vont en outre développer des lignes directrices pratiques en collaboration avec la Commission des jeux de hasard.
Signataires:
LA PRESSE.be est l’organisation rassemblant les éditeurs de presse quotidienne francophone et germanophone et représente les entités de presse suivantes : EDA Presse, Grenz-Echo, IPM Group, Mediafin, Rossel & Cie en SudMedia.
Vlaamse Nieuwsmedia: Vlaamse Nieuwsmedia est l’organisation rassemblant les éditeurs de presse quotidienne flamande et représente les entreprises de presse suivantes : DPG Media, Mediafin et Mediahuis.
WE MEDIA: WE MEDIA est la fédération belge représentant les éditeurs de presse et de magazines, environs 180 membres.
VIA, la fédération belge des media audiovisuels.
Personne de contact:
Gunter Huyghe, consultant RP Bepublic Group
gunter.huyghe@bepublicgroup.be, 0495 79 73 96
(1) Il est frappant de constater que pour la base chiffrée de la situation en Belgique, il est fait référence à des études internationales dépassées et discutables, tandis que les études propres et plus récentes de Sciensano sur la Belgique ne sont mentionnées que de manière très sélective. Par exemple, Sciensano a déclaré en 2022 que les jeunes Belges jouent moins que par le passé, alors que le ministre donne l'impression que le comportement de jeu dans ce groupe d'âge a augmenté de 43%. La mesure du comportement des joueurs, soit dit en passant, ne concerne pas seulement les fournisseurs autorisés mais aussi les fournisseurs illégaux.